Association Guillaume Fol

2 - Une mission à accomplir

groupe

À Kerscouarhat en Senven-Léhart (Côtes-d'Armor), cette porte qui ouvre sur ce qui était autrefois la cour de la famille Le Cozléer s'est endormie sur le seuil oublié.

 
 

KerscourhatLe jeudi 9 février 1702 naît le deuxième enfant de Guillaume et Marie ; c’est une fille : Anne. Elle est baptisée le surlendemain en l’église tréviale de Léhart. Ses parrain et marraine sont Alain Le Cozléer et Élisabeth Jouan. Tous deux sont de Kerscouarhat.

Élisabeth est la sœur de Jean Jouan, le veuf d’Anne Fol. Elle est aussi la sœur de Claude Jouan : lui, qui a appris le français et étudié, est devenu notaire de plusieurs juridictions.

Alain est laboureur de terre comme Guillaume Fol. Il est le fils de Guillaume Le Cozléer, décédé voilà déjà quelques années, et de Marie Raoult qui a maintenant 70 ans passés. Son frère aîné, Guillaume, a étudié chez les Révérends Pères Jacobins en la ville de Morlaix en Brestaingne et est devenu prêtre. C’est lui qui a baptisé Jacques Fol le 18 juillet 1700... La famille Le Cozléer est une famille aisée et influente.

Guillaume Fol entretient avec eux des relations de bon voisinage et de confiance. Lorsque Marie Raoult, sachant bien qu'il n'y a rien plus certaine que la mort ni plus incertaine que l'heure d'ycelle, dicte le 29 novembre 1702 les quatre pages de son testament aux notaires royaux de la cour et juridiction de Léhart, c’est lui, Guillaume Fol, qu’elle adjoint à son fils Guillaume pour veiller à la bonne exécution de ses dernières volontés.

Marie Raoult meurt deux mois plus tard, le 31 janvier 1703. Dans les semaines et les mois qui suivent, Guillaume s’acquitte fidèlement de sa mission. Il avance l’argent pour payer au curé de la trêve de Léhart les obsèques, funérailles et services faicts à son de cloche.
Il verse à la paroisse de Nostre Dame de Saint Ven Léhart l’offrande de 3 livres prévue par la défunte, de même que 20 sols à la paroisse Saint-Pierre de Plésidy et 10 sols à celle de Saint-Fiacre ainsi qu’à celles de Saint-Connan et de Saint-Gilles-Pligeaux, sans oublier la chapelle du Cloître et celle de Saint-Bernard, Notre Dame de Bon Secours à Guingamp et de Délivrance à Quintin...
Il achète pour 6 livres de toèle grosse pour abiller et donner aux pauvres de la trêve, il fait faire un habit à la fille mineure de Jean Jégou avec un abit journallier, etc...

Dimanche 9 novembre 1704 après-midi. Guillaume et Marie attendent des visiteurs. Les voici : Guillaume Le Cozléer, prêtre, est accompagné de Le Gonidec, notaire des juridictions de Léhart et du Quélénec, et son collègue Le Chanu. Jean Jouan, un voisin de Kerscouarhat, s’est joint à eux : c’est le jeune veuf d’Anne Fol. Les hommes s’assoient autour de la table coulante placée devant la fenêtre, qui sur un banc, qui sur un billot de bois. Marie Cadoret, dont le ventre s’arrondit en ce sixième mois de grossesse, reprend sa quenouille de chanvre près de l’âtre après y avoir jeté quelques mottes à feu provenant d’une lande de la tenue.

Pourquoi donc tant de monde ? C’est aujourd’hui que les notaires vont établir le document officiel dans lequel Guillaume Fol reconnaît avoir été remboursé par Guillaume Le Cozléer des sommes qu’il avait avancées en tant qu’exécuteur du testament de Marie Raoult, soit 81 livres et 19 sols. C’est beaucoup d’argent : à titre de comparaison, c’est le double de ce que valent les deux grands bœufs de la famille Le Cozléer selon l’estimation faite le 12 août 1705.
Notre ancêtre jouit donc, semble-t-il, d’une certaine aisance matérielle ; le fait qu’il emploie une servante, chose rare pour un laboureur, le confirme. Il jouit aussi – et c’est encore plus important – de l’estime et de la confiance de ses voisins.

À ces 81 livres et 19 sols s’ajoutent 12 livres pour le temps passé. Voici déjà plusieurs mois que Guillaume Le Cozléer avait sorti les pièces de sa bourse et les avait comptées sur cette même table : 3 Louis d'or de 24 livres, 3 écus d'argent de 6 livres et un autre de 3 livres sans oublier les petites pièces de cuivre de quelques sols.
– Mad eo ! avait dit Guillaume Fol. (C’est bon !)

Il n’est pas nécessaire d’allumer la chandelle, la lumière du jour est suffisante en ce début d’après-midi. Le Gonidec prend sa plume d’oie, une plume de bout d’aile – elles sont meilleures – la trempe dans l’encrier et rédige la quittance sur papier timbré. Pour un acte aussi bref, une petite feuille de 7 pouces sur 4 pouces et demi (18 cm sur 12 cm) suffit ; on évite de gaspiller le papier. Alors qu’autour de la table chacun s’exprime en breton, cette pièce officielle est, comme la loi l’exige, rédigée en français. Guillaume Fol, qui ne sait pas signer, demande à Jean Jouan de signer à sa place.

Maintenant que les choses officielles sont terminées, la réunion se poursuit – du moins nous pouvons l’imaginer – par l’échange de quelques bons souvenirs de la défunte Marie Raoult.

Cette quittance rédigée en présence et en la demeure de notre ancêtre Guillaume Fol existe toujours. C’est avec beaucoup d’émotion que nous l’avons découverte et photographiée aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (cote 1E 3374). La voici, suivie de sa transcription :

« Devant nous notaires de la Juridiction de Léhart et du Quéllénec ont comparu
en personnes vénérable et discret missire Guillaume le cozléer prêtre et Guillaume
fol demeurant séparément au village de K/scouarhat en la trêve de lehart paroisse
de Plesidy evesché de Tréguier d’une et d’autre part, yceux
nommés par deffuncte marie raoul mère dudit sieur
prêtre pour exéculteurs de son testament et ... (?)
de dernières volontés entre lesquels lesdits prêtre et
fol a été reconneu que ledit fol avoit faict
toutes les avances pour l’exécution dudit testament
conformément aux articles d’Icelui se montant saouff erreur au gist2
et calcul à la somme de quatre vingt une livre dix neuf sols de laquelle
somme ledit fol déclare avoir esté payé et rembourcé par ledit
messire prêtre cy devant et hors notre présence dont il le quitte
déclarant ne rien prétendre vers luy ny en la pièce de terre nommée
treiennau en hent affecté par dadite deffuncte par sondit testament
… pour l’execution d’Icelluy … ledit fol a ce jour resaizi ledit messire prêtre
tant de la copie dudit testament que des acquets qu’il a obtenu en
consecquance d’Icelluy pour en rechercher l’execution mesme de ses
journées quy ont estér reglee a douze livres desqueles Il connoit
avoir esté payé et satisfait par ledit sieur prêtre Cest ce que
lesdits partis ont accordés penser et Juré tenir et demontré
ne …… a quoy le requérants y ont estés condamnés d’authoritée de notre
cour et du pouvoir de nos officiers en la demeure dudit fol soubs
le signe de maistre Jan Jouan de léhart pour ledit fol affirmant ne
le scavoir faire dudit sieur prêtre pour son respect et de nous notaires le
neuffiesme novembre apres midy mil sept cent quatre et le
…… les parts. Sera la présente dellivre par original audit sieur prêtre
passe du controlle faict et gré comme devant en Interligne au
contenu duquel Il demeure subrogé approuvé
    guillaume Le Cozléer prêtre            Jan Jouan
    le chanu notaire                le Gonidec notaire de léhart
    Controlle à quintin le 11e novembre 1704
    dix sols : hierome guyoumar »