Association Guillaume Fol

14 - La Révolution gronde

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Pièce de monnaie de 12 deniers à l'effigie de Louis XVI roi des François frappée à Rouen en 1792.
Ce type de pièce, en cuivre ou métal de cloche, resta en circulation jusqu'en 1856.  

 
 

La Révolution gronde. Au Foeil comme dans les paroisses voisines, on rédige dans l'enthousiasme les cahiers de doléances. Les députés les porteront au roi à Versailles : il se rendra compte de la véritable situation de son peuple et fera effectuer les réformes qui conviennent. Peu à peu, dans tout le pays, s'est en effet imposée la nécessité d’instaurer une société plus respectueuse de la liberté et de l’égalité entre les individus.
Avec tout le peuple des paysans et des artisans du pays de Quintin, Claude Fol, notre ancêtre, nourrit ce grand espoir. Il est vrai qu'à cette époque, parmi bien d'autres difficultés, de nombreux impôts accablent le petit peuple : capitation, fouage ordinaire, fouage extraordinaire, vingtième, dixième et prémices, champart...  

Ce 8 août 1789, Claude Fol, en route pour la foire, trouve à son arrivée à Quintin la place du Martray encore plus animée qu'à l'ordinaire. Des exclamations, des rires, des cris de joie fusent des groupes qui conversent bruyamment. Claude s'approche : Toussaint Duval, l'un des marchands de la Grand-rue, lit à haute voix la gazette arrivée la veille de Paris par la malle-poste :
« Devant les députés des trois ordres réunis à Versailles, le duc d'Aiguillon est intervenu : Un scrupule me vient : nous nous apprêtons à condamner ceux qui attaquent les châteaux. Mais je me demande si ces hommes sont bien coupables, eux qui sont soumis au reste barbare des lois féodales. Je propose d'établir cette égalité de droits qui doit exister entre les hommes.
— Et alors, demande quelqu'un d'une voix incrédule ?
— Écoutez la suite : Les députés, dans la nuit du 4 août, ont adopté à l'unanimité l'abolition des privilèges. La noblesse, le clergé, les provinces, les villes, tous ont renoncé à leurs privilèges. En fin de séance, le roi a été proclamé restaurateur de la liberté française.
— Alors, adieu la dîme ?
— Mais oui, adieu la dîme, adieu les corvées, adieu le champart, adieu le four et le moulin ! »
On crie, on applaudit, on hurle de joie. Certains se dirigent vers le cabaret tout proche.
Claude préfère se diriger vers la rue du Four où son cousin Jean Le Fol tient débit de cidre. Il s'engage dans la Grand-rue. Un colporteur y propose ses chansons. Claude, se joignant aux autres passants, s'arrête pour l'écouter :

« Enfants d'un vrai peuple de frères
Gouverné par les mêmes lois,
Sous l'empire heureux des lumières
Jouissez tous des mêmes droits :
Non, la liberté n'est qu'un piège.
Par l'avare orgueil apprêté,
Tant que le mot de privilège
Blesse la sainte égalité.
»
(Histoire chantée de la 1ère République. 1789-1799. Louis Damade, Paris, 1892. Sur l'air de la Marseillaise)

Claude n'achète pas le feuillet du colporteur, il ne sait pas lire. Mais au retour de la foire, des bribes lui reviennent sans cesse à l'esprit : un vrai peuple de frères... Jouissez tous des mêmes droits... sainte égalité. Il fredonne malgré lui cet air guerrier qu'il a mémorisé et qui entraîne sa marche.

Le 19 avril 1790, la municipalité du Foeil fait établir la liste des citoyens. Claude Fol y figure comme citoyen actif mais non éligible. (A.D. Côtes-d'Armor, 1L394) Ces citoyens actifs sont ceux qui payent plus de trois jours de travail d'impôt. Il n'y en a que quatre millions en France (sur vingt-six millions d'habitants) ; c'est à eux que la constitution adoptée le 3 septembre 1791 réservera le droit de vote.
La période est bien troublée : le 20 nivose an III (9 janvier 1795), les Chouans investissent Boquého, pénètrent chez François Fol, le notaire, et y commettent quelques larcins. La même année, ils dévastent le bourg de Cohiniac. Le 8 prairial (27 mai 1795), Jean Le Roy, un laboureur de Boquého âgé de 21 ans, est écroué à la prison de Saint-Brieuc pour avoir porté la cocarde blanche symbole de la royauté. (A.D. Côtes-d'Armor, 1L882) Quelques jours plus tard, le 4 juin, François Moro de Cohiniac est lui aussi emprisonné.
En exécution de la loi du 10 vendemiaire de l'an IV, on procède dans les mois qui suivent au recensement  de la population de chaque commune. Celui de Cohiniac est daté du 30 floréal de la même année (19 mai 1796). C'est dans cette commune de Cohiniac que nous retrouvons Claude Fol, notre ancêtre « voyageur », après l'avoir suivi depuis Senven-Léhart (où il était né en 1744) jusqu'au Foeil, puis à Plaine-Haute et au Foeil à nouveau.

 C'est plus précisément au village de la Ville Auvé que Claude Fol et sa famille habitent à cette époque. Le recensement nous fournit la liste de sa maisonnée :

Claude Fols    homme    52 ans    cultivateur    La Ville Auvé
Marie Morvant    femme    54 ans    ménagère    La Ville Auvé
Jean Fols        garçon    16 ans    laboureur    La Ville Auvé
Anne Fols        fille    15 ans    fillandière    La Ville Auvé
Jean Pervos    homme    65 ans    tisserand    La Ville Auvé
Marie Morvant    fille    32 ans    fillandière    La Ville Auvé

(A.D. Côtes-d'Armor, 1L583)

Ce Jean Pervos (prononciation gallo de Provost) est très certainement le père de Françoise Le Provost la première femme de Claude Fol. Le document lui attribue le métier de tisserand. Quant à la dernière personne de la liste, Marie Morvant, elle est fille c'est à dire célibataire. Nous ne savons pas si elle est apparentée à la femme de Claude Fol.

Les réquisitions se font de plus en plus nombreuses. Le 27 ventose an IV (17 mars 1796), le canton de Plouvara — dont fait partie Cohiniac — doit effectuer une levée de chevaux (un sur 30). À peine installé à la Ville Auvé, Claude Fol reçoit la visite de Joseph Allichon fils qui a été désigné pour procéder à leur dénombrement. (A.D. Côtes-d'Armor, 75L1) Le10 prairial de la même année ( 29 mai 1796), le canton doit fournir deux bêtes à cornes par commune pour la nourriture des troupes cantonnées à Port-Brieuc (nom révolutionnaire de Saint-Brieuc).

L'insécurité elle aussi va croissant : le 20 fructidor ( 6 septembre), les administrateurs du canton de Plouvara demandent à l'administration départementale des fusils et munitions pour se défendre contre « les bêtes féroces et les voleurs, les loups qui ont égorgé différents bestiaux, les chiens enragés ». Un autre courrier demande cent fusils pour se défendre « des vols et des pillages commis presque journellement ». (A.D. Côtes-d'Armor, 75L4)

Le dimanche 21 octobre 1798, en pleine jeunesse, Anne Fol meurt à la Ville Auvé : elle a 18 ans. Son père Claude et son grand-père Jean Le Provost sont nommés dans l'acte de décès et de sépulture ainsi que Sylvestre Monjaret, un voisin de la Ville Auvé. Des quatre enfants de Claude, un seul survit donc : c'est notre ancêtre Jean Louis.
Mais Claude doit attendre un peu plus de deux ans pour avoir le bonheur de voir son fils se marier. Le 8 pluviose an IX (mercredi 28 janvier 1801) au Foeil,  Jean Louis Fol épouse Jeanne Mathurine Théfo, fille de Charles Marie Théfo et de Magdeleine Beloeil. Il a 21 ans et elle 23. L'acte de mariage précise que Jean Louis Fol est fils de Claude Fol demeurant à Cohiniac et de défunte Françoise Le Provost. Claude Fol est donc toujours vivant à cette date mais curieusement son nom n'apparaît pas dans la liste des témoins : Charles Théfo, 62 ans, père de la mariée de Linglorec, François Reux et Pierre Bannois, les deux  de La Micaudière et Jean Le Provost. Tous sont cultivateurs au Foeil. Jean Le Provost est le grand-père maternel du jeune marié.
Pour quelle raison Claude Fol, qui a alors 56 ans, n'est-il pas présent au mariage de son fils ? Est-ce son état de santé qui l'en empêche ? Nous n'avons pas actuellement de réponse à cette question. Mais, bien que nous n'ayons pas découvert son acte de décès, nous pouvons penser que Claude Fol meurt en 1801 ou au début de1802 à environ 58 ans.

La mort continue de frapper cette même année : Le 24 mai, Jeanne Madeleine, le premier enfant de Jean Louis, meurt à moins d'un an. Le 21 septembre, c'est Jeanne Mathurine Théfo, son épouse qui décède à l'âge de 24 ans. Le 27 frimaire an XI (18 décembre 1802), Jean Le Provost meurt à la Ville Auvé.