Association Guillaume Fol

12 - Au Pardon de Calédar

groupe

La chapelle Saint Laurent de Calédar a disparu à la suite de la Révolution. Celle du Logou, au-dessus de l'Étang-Neuf en Saint-Connan, a été conservée et est fort bien entretenue.

 
 

Ce 10 août 1769, Bertrand prend de bon matin la direction de Calédar en la paroisse du Vieux-Bourg-de-Quintin. La veille a eu lieu la foire de ce village mais Bertrand n'y était pas. Il a préféré attendre le jour même de la fête de Saint Laurent pour participer au pardon du grand saint et, agenouillé en sa chapelle, demander sa protection pour lui et sa famille. Les groupes de pèlerins sont de plus en plus nombreux sur le chemin. Passé Coldabry, chacun se demande s'il va pouvoir franchir facilement le ruisseau de Villeneuve au gué de Kerantraou. C'est que l'été est bien orageux cette année, donnant parfois de très violentes pluies. Mais non, le gué se passe sans difficulté ; les enfants partis en avant-garde en reviennent pour l'annoncer dans les cris et les éclats de rire.

Le rythme ralentit maintenant que l'on approche de la chapelle de Saint Laurent ; du fond de la vallée, le chemin s'élève de trois cents pieds sur moins d'un quart de lieue. Tout en gravissant la pente, Bertrand pense à la procession de cet après-midi. Il espère bien porter – même si ce n'est que sur une courte distance – la bannière de Saint Laurent, cette grande bannière dorée où, sous une auréole éblouissante, le Saint tient à la main le gril à sept barreaux. Mais les gars du Vieux Bourg, et de Calédar en particulier, accepteront-ils de lui céder leur place un court moment. Il faudra parlementer, savoir aussi parfois parler plus fort que l'autre... Bertrand se dit qu'il fera équipe avec ses cousins du Vieux Bourg, Yves et Corentin. Cela facilitera peut-être les choses. Et puis, elle est très lourde cette bannière et offre une belle prise au vent... Trois c'est un minimum pour la maintenir bien droite.
... Yves et Corentin ont été d'adroits ambassadeurs. Ils ont réussi à faire admettre Bertrand dans le cercle envié des porteurs. Bertrand porte maintenant fièrement la précieuse bannière de Saint Laurent. Ses deux cousins l'encadrent et tiennent de la main droite les cordelettes pourpres qui en descendent. Tout à l'heure, ils vont se relayer. En attendant, Bertrand lève les yeux : sous cet angle, la bannière est encore plus impressionnante.


Le chapelain va maintenant terminer son sermon de l'après-midi mais il réveille son auditoire assoupi sous la fatigue et la chaleur en s'enflammant soudain contre les gars du bourg de Saint-Connan : cette fois encore, ils en sont venus aux mains pour prendre d'assaut la bannière que ceux de Calédar leur refusaient. À l'appui de ses propos, il entame la lecture de la lettre que l'évêque vient de publier :
« Désirant corriger les abus et les scandales qui arrivent dans un grand nombre de paroisses à l’occasion des bannières des processions, parce qu’elles sont trop grandes et trop pesantes, […], nous exhortons Messieurs les Recteurs à les faire diminuer, si faire se peut, et nous ordonnons que pour toutes celles qu’on fera faire à l’avenir, il en sera d’abord présenté le projet au Sieur Recteur de la paroisse, pour être approuvé de lui, auquel nous enjoignons de veiller […] à ce que les dites Bannières soient faites, pour la hauteur, la grandeur et le poids, de manière qu’une seule personne les puisse porter aisément, […] Nous exhortons en outre Mrs. les Recteurs à faire en sorte qu’il soit nommé dans Chaque Eglise Des personnes Désignées pour porter les Bannières pendant le Courant de l’Année, afin d’éviter par là les Disputes et Querelles qui n’arrivent que trop souvent à ce Sujet. »
(A. D. Côtes-d'Armor, H 167 - Actes du Synode du diocèse de Tréguier  de 1769)

Les langues vont bon train sur le chemin du retour : la lettre de l'évêque alimente les conversations. Mais il faut presser le pas car l'orage monte, de gros nuages noirs envahissent le ciel au-dessus de Lescanic. Bertrand vient de passer Saint-Connan lorsque des trombes d'eau s'abattent sur lui et ses compagnons.

Le temps demeure aussi lourd et menaçant les jours suivants. Le 15 août, les ruisseaux et rivières sont tellement gonflés que plusieurs moulins en souffrent, tel celui du Trieux en Kerpert comme l'indique l'état des lieux établi en mars de l'année suivante :
« Il y avait cy devant à la décharge de l’étang qui est au bout de la chaussée du côté du midy une vanne pour lacher l’eau du trop plein mais elle fut emportée à ce que nous a affirmé le meunier, le 15 août de l’année dernière par le grand débordement des eaux qui passèrent jusque par-dessus la chaussée et qui pensèrent détruire entièrement le moulin. »
(A. D. Côtes-d'Armor, H 304)