Association Guillaume Fol

10 - Les malheurs d'un meunier

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Cette ouverture munie de barreaux, permettait aux prisonniers de la geôle de Quintin, située dans la Grand'Rue, d'apercevoir le choeur de la chapelle Notre-Dame-d'entre-les-Portes mitoyenne de la prison et d'y suivre la messe.

 
 

Voilà deux ans que les affaires de Jean Pezron, époux de Philippette Meurou vont mal. Déjà meunier au moulin du Trieux en Léhart et bien que ne disposant pas de l’argent nécessaire, il n'a pas su résister à la flatterie et a accepté la ferme du moulin de l’Étang-Neuf en Saint-Connan, moulin qui appartient à l’abbaye de Coëtmaloën.

Mais le prix du blé n’a cessé de décroître. Jean n’est pas en mesure de s’acquitter du fermage dû à l’abbaye. Tout ce qu’il possède à l’Étang-Neuf est saisi le 6 septembre 1743 par Guillaume Lozach, sergent de la juridiction. Le dimanche 20 octobre, à la sortie de la grand-messe de Saint-Connan, on annonce « tant en français qu’en vulgaire breton » la vente des biens de Jean Pezron pour le 23 octobre vers dix heures du matin au moulin de l’Étang-Neuf. (À cette époque, le breton est la langue vulgaire c’est à dire celle qui est parlée par le peuple. Il n'y a ici rien de péjoratif dans ce terme.)

Cette vente rapporte bien peu : 180 livres et 18 sols, une misère ! Et pourtant tout a été vendu : le trépied, la galetière, la grande presse (c'est à dire l'armoire)  et la planche carrée qui servait de table, la vache rouge, la génisse et le petit veau... Jean Pezron voit même partir son cheval et sa jument. Il perd une partie de sa fortune. Qu’en est-il de sa considération ? Tous les grands qu’il côtoyait il y a moins de six ans au mariage de sa fille Marie et de Jacques Le Corre semblent l’avoir abandonné : maître Pierre Le Bars le sénéchal, monsieur et mademoiselle de Lansullien... Jean Pezron sent l’aigreur et la colère lui envahir le cœur, mais non, il va continuer de travailler dur ; il a peut-être encore quelques amis sur qui il peut compter.

Jean Pezron ne réussit cependant pas à redresser la situation : chaque mois ses dettes s’alourdissent. Il doit toujours une partie du terme de la Saint Jean 1743. Il n’a rien payé pour 1744, soit 1050 livres. Le 22 septembre 1745, il est arrêté sur ordre de la juridiction de Coëtmaloën et « mis entre les mains et sous la garde de Michel Gaville geôlier de la prison ». Son bail continue de courir et ses dettes d’empirer mais lui, derrière les barreaux à Quintin, ne peut plus travailler. Le ridicule ne date pas d’aujourd’hui.

Le 23 décembre, monsieur du Quellenec écrit de la part de Jean Pezron au prieur de Coëtmaloën pour proposer un arrangement : « La triste situation où se trouve votre mounier estant destenu dans les prisons et hors d’estat de faire des affaires m’a tellement touché que je n’ay pu luy refuser une proposition qu’il m’a faite... » Sans résultat. Jean Pezron écrit à son tour au prieur le 21 avril 1746 : « Il m’est impossible de faire étant retenu et n’ayant que mes enfants lesquels à la dernière foire ne ramassèrent que sept livres trois sols et six deniers... » (A.D. Côtes-d'Armor, H 316)